L’avenir incertain des versants

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Quelles seront les conséquences du changement climatique sur la stabilité des versants naturels français ?

Auxane Cherkaoui, de l’unité « Risques naturels, ouvrages et stockages » de la Direction des risques du sol et du sous-sol de l’Ineris, mène l’enquête pour le compte du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sont formels : le changement climatique en cours, dû à l’augmentation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre, va se poursuivre. Ils s’attendent à ce que la température moyenne de la planète s’élève de 2,6°C à 4,8°C d’ici 2100 par rapport à la moyenne établie sur la période 1986 – 2005 pour le scénario le plus pessimiste en termes d’émissions de gaz à effet de serre ; de 0,3°C à 1,7°C pour le scénario le plus optimiste. Surtout, les experts prévoient une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, pluies diluviennes, tempêtes, crues intempestives…).
Quelles seront les conséquences de ces changements à venir sur la stabilité des versants naturels français ? Glissements de terrain, éboulements rocheux, coulées de boues, etc. seront-ils plus fréquents ? Plus intenses ?
Depuis un an, Auxane Cherkaoui, de l’unité « Risques naturels, ouvrages et stockages » de la Direction des risques du sol et du sous-sol de l’Ineris, mène l’enquête pour le compte du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Son premier rapport d’étude vient de sortir. Il fait le bilan des connaissances actuelles sur la façon dont fonctionne un versant et les facteurs climatiques qui influencent sa stabilité. C’est un préalable indispensable pour les représenter le plus fidèlement possible dans les modèles de prévision.

Premier constat : le changement climatique impacte effectivement la stabilité des versants.
« Mais il est pour l’heure extrêmement difficile de qualifier cet impact, et encore moins de le quantifier, en raison de la multiplicité des paramètres en jeu. Les effets de la température, des précipitations, du vent ou encore de l’ensoleillement se conjuguent de façon complexe. Par exemple, les précipitations favorisent les glissements de terrain. Mais l’effet sera moindre si les pluies sont associées à une hausse des températures car celles-ci augmentent l’évaporation » explique Auxane Cherkaoui.

La seule certitude concerne le milieu montagnard. « Là, la stabilité des versants est principalement liée aux variations de température et d’enneigement. Et il est clair que l’accélération de la fonte glaciaire et de la perte du pergélisol due au changement climatique va se traduire par une multiplication des éboulements rocheux et des chutes de blocs. Les glissements de terrain superficiels comme profonds devraient eux aussi être plus fréquents et plus volumineux » poursuit la scientifique.

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Crédit photo : C. Gladek

Le signal est beaucoup moins net dans les autres milieux. D’une façon générale, les laves torrentielles, très sensibles aux précipitations, devraient se multiplier dans les régions soumises à des pluies diluviennes et au contraire se raréfier dans celles touchées par de longues sécheresses. L’intervention d’autres facteurs complexifie la donne. C’est le cas du couvert végétal. Par exemple, le réchauffement favorise les feux de forêt et la perte de végétalité qui en résulte a tendance à augmenter les mouvements gravitaires superficiels.

Par ailleurs, il ressort que le changement climatique n’est pas seul à influer sur la stabilité des versants. L’impact de l’homme sur le milieu naturel est tout aussi important, voire plus dans certains cas. L’urbanisation galopante des villes et des campagnes et la prolifération de surfaces imperméables (parcs de stationnement, routes et chaussées, etc.) amplifient le ruissellement des eaux pluviales d’où des risques accrus d’inondation et/ou de glissements de terrain. « Tout l’enjeu de nos recherches futures est d’arriver à faire la part des effets propres au site et de ceux dus exclusivement au changement climatique. Et pour cela nous avons besoin de travailler dans des conditions réelles. Le choix d’un site expérimental est d’ailleurs en cours » précise Auxane Cherkaoui. Seule contrainte, ce site doit être instrumenté depuis plusieurs années. « Il nous faut à la fois de longues séries de données météorologiques (températures, précipitations, vents, etc.) et de déplacement du versant afin de retracer l’histoire du lieu et d’établir d’éventuelles corrélations. » A terme, toutes les données accumulées seront reliées aux scénarios de prévision climatique du Giec de façon à prévoir l’impact du changement climatique sur la stabilité des versants.