Tendances de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2015 : quels impacts sanitaires ?

La qualité de l’air a beaucoup évolué depuis les années 1990, notamment sous l’effet de mesures de gestion visant à réduire les émissions de polluants en Europe. Ces politiques ont aussi été accompagnées du développement d’outils de surveillance permettant d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre. Ces outils incluent bien sûr les réseaux de stations réglementaires mais aussi les modèles numériques. Après plusieurs décennies consacrées à l’implémentation de mesures de baisses d’émissions de polluants, et au développement d’outils de suivi, il est légitime de mettre aujourd’hui l’ensemble en perspective pour comprendre quelle a été l’efficacité des politiques d’amélioration de la qualité de l’air.

La mise en œuvre de la modélisation pour des études d’impacts a été possible grâce aux travaux préalables de l’Ineris dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la pollution atmosphérique transfrontière. C’est plus particulièrement la Task Force sur la mesure et la modélisation (TFMM) qui a lancé en 2015 un vaste programme d’étude des tendances de qualité de l’air en Europe et initié un exercice d’intercomparaison de modèles (Eurodelta-Trends) visant à reproduire par la modélisation l’évolution de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2010. Ces résultats de modélisation ont été validés par comparaison aux études de tendance constatées par la mesure, ce qui a permis leur exploitation pour des études d’impact.
Une première étude était consacrée à l’exploitation des résultats de modélisation pour comprendre l’effet relatif sur la qualité de l’air des réductions d’émissions, de la variabilité météorologique, et de la pollution hémisphérique. Les résultats de l’exercice Eurodelta-Trends ont aussi permis de discuter l’évolution à long terme de l’effet de l’ozone sur les rendements agricoles.

Une deuxième étude concerne les effets sanitaires et leurs tendances. Elle a étudié l’évolution de la mortalité attribuable à l’exposition aux particules fines. L’étude consiste à regrouper diverses évaluations de l’exposition aux PM2.5 en Europe entre 1990 et 2015 et à les traduire en impacts sanitaires à l’aide d’une approche unique appliquée pour les différentes sources d’exposition.

Méthodologie

Des cartographies de concentration de surface de PM2.5 ont été collectées à partir des sources suivantes :

  • Agence européenne de l’environnement/Topic Centre on Air Pollution Transport Noise and Industry;
  • Copernicus Atmosphere Monitoring Service;
  • Eurodelta-Trends ;
  • Global Burden of Disease

Ces différentes sources d’information sur les concentrations de PM2.5 ont été traduites en termes d’exposition avec une pondération par la population, puis agrégation par pays. La répartition spatiale de la population a été supposée constante (année 2011) mais pour chaque pays la population totale et la répartition par classe d’âge sont variables sur la période.
L’outil d’évaluation d’impact sanitaire Alpha-Risk-Poll a ensuite été utilisé pour évaluer la mortalité due à l’exposition à long terme aux PM2.5 parmi la population âgée d’au moins 30 ans, exprimée en décès prématurés par an. La relation concentration- risque utilisée est celle de l’Agence européenne de l’environnement, soit 1,062 par augmentation d’exposition de 10 μg/m3 de PM2.5, et il faut noter que celle-ci est supposée constante sur toute la période.

Résutats

Une nette tendance à la baisse a été identifiée avec une baisse de la mortalité attribuable aux particules fines de l’ordre de 60 % en Europe sur la période 1990-2015. En 1990, en prenant la médiane de l’ensemble des sources d’exposition disponibles, la mortalité prématurée était de l’ordre de 960 000 décès par an. En 2015, elle est de 445 000 décès par an, ce qui reste très élevé malgré l’amélioration notable. Par ailleurs, on peut souligner que la plus grande part de l’amélioration a été constatée entre 1990 et 2005 et que depuis cette date, les tendances sont beaucoup moins prononcées.
La tendance en France est assez cohérente par rapport à l’évolution européenne, avec une mortalité évaluée à 89 000 décès anticipés en 1990, 48 000 en 2010 et 36 000 en 2015. À noter la cohérence des chiffres de mortalité calculée avec notre méthodologie pour 2010 et les estimations de Santé publique France qui correspondent aux années 2007-2008.
Les incertitudes demeurent élevées, notamment pour la période avant 2000 où les estimations d’exposition peuvent varier d’un facteur deux. Et ces incertitudes ont aussi un effet sur l’évaluation des tendances. Entre 1990 et 2010, avec les cartographies Eurodelta-Trends on trouve une réduction de la mortalité de 52 % alors que la baisse n’est que de 30 % avec les chiffres du Global Burden of Disease.